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5 mars 2011 6 05 /03 /mars /2011 17:55

L'obscurité, dans les chambres, le soir, est une

Irréconciliable apporteuse de craintes ;

En deuil, s'habillant d'ombre et de linges de lune,

Elle inquiète ; elle a de félines étreintes

 

Comme une eau des canaux traîtres où l'on se noie

L'obscurité, c'est la tueuse de la joie

Qui dépérit, bouquet de roses transitoires,

Quand elle y verse un peu de ses fioles noires.

 

L'obscurité s'installe avec le crépuscule ;

Elle descend dans l'âme aussi qui s'enténèbre ;

Sur le miroir heureux tombe un crêpe funèbre

La clarté, dirait-on, est blessée et recule

 

Vers la fenêtre où s'offre un linceul de dentelle.

L'ombre est un poison noir, d'une douceur mortelle !

Et voici qu'on frémit d'on ne sait quoi... c'est l'heure

Où le vol libéré des âmes nous effleure ;

 

Ah ! Quel trouble ! Et les peurs, les peurs dominatrices

Dans les rideaux des lits agitant des fantômes !

Et ces sachets du linge aux sensuels arômes !

Et les lampes, là-bas, rouvrant leurs cicatrices,

 

Qui vont recommencer à faire saigner l'ombre !

Mais l'ombre se défend contre les lampes frêles,

Epaississant dans les angles sa force sombre

- On écoute les moucherons griller leurs ailes... -

 

Et l'on soupçonne, à voir mourir les bestioles,

Que c'est l'obscurité qui se venge ainsi d'elles

Pour avoir aimé mieux que ses noires fioles

Le soleil qui revit dans les lampes fidèles !

 

L'obscurité, dans les chambres, le soir... - Georges RODENBACH (1855-1898)

 

 

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