Elle s'est brusquement effondrée le long du mur, sur le sol de la cuisine, et s'est mise à pleurer dans ses genoux comme une petite fille de quatre ans et en m'implorant, ses yeux, ses joues, son nez et sa bouche pleins de larmes : "Mais pourquoi tu ne m'aimes pas ? Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour que tu ne m'aimes pas, comme ça ?" Et moi, en la voyant si vulnérable et si seule, en comprenant très bien que ce désespoir venait de très loin, de bien avant moi, de bien avant toutes ces années ensemble, en comprenant que ce n'est pas à moi qu'elle s'adressait en priorité comme j'avais parfaitement compris que ce n'est pas ma gueule à moi qu'elle avait en priorité lacérée au fil électrique dans la salle de bains six mois auparavant, je me suis dit que je n'avais pas le droit de l'abandonner, que c'était inhumain de quitter quelqu'un de désemparé comme ça, qu'une solitude et une fragilité pareilles, ça n'avait pas de prix, pas même celui de ma propre recherche du bonheur, recherche de bonheur dont je finissais même, devant tant de souffrance, à douter de la légitimité. [...]
Nicolas Fargue - J'étais derrière toi