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29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 08:26

... montres moi ton derrière et attends Popaul...

 

C'était une belle brune

Filant au clair de la lune,

Qui laissa choir son fuseau

Sur le bord d'une fontaine,

Mais courant après sa laine

Plongea la tête dans l'eau,

 

Et se noya la pauvrette

Car à sa voix trop faiblette

Nul son désastre sentit,

Puis assez loin ses compagnes

Parmi les vertes campagnes

Gardaient leur troupeau petit.

 

Ah ! trop cruelle aventure !

Ah ! mort trop fière et trop dure !

Et trop cruel le flambeau

Sacré pour son hyménée,

Qui l'attendant, l'a menée

Au lieu du lit, au tombeau.

 

Et vous, nymphes fontainières

Trop ingrates et trop fières,

Qui ne vîntes au secours

De cette jeune bergère,

Qui faisant la ménagère

Noya le fil de ses jours.

 

Mais en souvenance bonne

De la bergère mignonne,

Emus de pitié, les dieux

En ces pierres blanchissantes

De larmes toujours coulantes

Changent l'émail de ses yeux.

 

Non plus yeux, mais deux fontaines,

Dont la source et dont les veines

Sourdent du profond du coeur ;

Non plus coeur, mais une roche

Qui lamente le reproche

D'Amour et de sa rigueur.

 

Pierre toujours larmoyante,

A petit flots ondoyante,

Sûrs témoins de ses douleurs ;

Comme le marbre en Sipyle

Qui se fond et se distille

Goutte à goutte en chaudes pleurs.

 

Ô chose trop admirable,

Chose vraiment non croyable,

Voir rouler dessus les bords

Une eau vive qui ruisselle,

Et qui de course éternelle,

Va baignant ce petit corps !

 

Et pour le cours de cette onde

La pierre n'est moins féconde

Ni moins grosse, et vieillissant

Sa pesanteur ne s'altère :

Ains toujours demeure entière

Comme elle était en naissant.

 

Mais est-ce que de nature

Pour sa rare contexture

Elle attire l'air voisin,

Ou dans soi qu'elle recèle

Cette humeur qu'elle amoncelle

Pour en faire un magasin ?

 

Elle est de rondeur parfaite,

D'une couleur blanche et nette

Agréable et belle à voir,

Pleine d'humeur qui ballotte

Au dedans, ainsi que flotte

La glaire en l'oeuf au mouvoir.

 

Va, pleureuse, et te souvienne

Du sang de la plaie mienne

Qui coule et coule sans fin,

Et des plaintes épandues

Que je pousse dans les nues

Pour adoucir mon destin.

 

La pierre aqueuse - Rémy BELLEAU (1528-1577)

 

 

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