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5 janvier 2011 3 05 /01 /janvier /2011 09:59

- Et si je vous demandais quelle est pour vous la définition de l'amour ?

[...]

- Quand j'ai rencontré Philippe, il y a presque vingt ans, le ciel m'est tombé sur la tête et je me suis dit : maintenant, je peux mourir... 

- Moi, j'emploierai trois mots... Trois petits mots et une virgule : enfin, je sais...

- Et moi, un seul : toujours...

Et toi ? Demandent leurs trois regards tournés vers moi.

- Moi, je ne sais toujours pas.

Je sais la tendresse, l'affection, le respect, l'admiration, le désir, le plaisir mais l'amour, je ne sais pas. Je cherche toujours.

 

Et aujourd'hui, est-ce que tu sais ?

Ma bouche est près de ton oreille mais je ne te pose pas la question. Je sais que tu me le diras, un jour, que ces trois petits mots, tu me les crieras. Parce que j'aurai tout fait pour ça. Je vais t'anéantir d'amour, prévenir le moindre de tes désirs et le combler aussitôt. Toi et moi, on ne fera plus qu'un. Sans moi, tu ne seras plus rien. Tu ne sauras plus rire, plus marcher, plus aimer, plus écrire. Tes rêves, même, m'appartiendront. Je remplirai ton corps et ta vie comme une source chaude.

Je sais presque tout de toi.

Avec toi, je vais parcourir le monde. Avec toi je vais vivre, je vais vivre mieux. On a déjà vécu plein de choses chacun de notre côté, ce n'est pas la peine de se raconter des histoires, mais toi et moi, c'est la vie que nous conquerrons, c'est la vie que nous survolerons en aventuriers intrépides et parfaits...

 

Je n'ai jamais cru au couple. Je crois en moi, à la personne que je suis, libre de tout attachement, capable d'être seule, d'y trouver même le plaisir et la paix absolus. Je ne pense pas qu'il soit possible de vivre à deux. En revanche, je crois à l'amour, à l'élan vers l'autre, à la fidélité, à l'envie d'aimer, et je crois en même temps au mensonge qui se cache derrière ces soleils-là.

 

Mais je ne sais rien de la vie. Je la subis en donnant des coups de dents, au hasard, pour me défendre. Je suis impatiente, violente parfois, méchante. Je déteste ce monde où je n'ai pas ma place. Je déteste les gens qui ont l'air si à l'aise dans ce monde où je n'ai pas ma place. Je les déteste et je les envie. Comment font-ils pour parler, pour s'exprimer, pour avoir la peau si nette, les cheveux si bien coiffés ? Qu'est-ce qu'ils ont mangé ? Avec quel savon se sont-ils lavés ? Quels livres ont-ils lus ? Qui les a écoutés quand ils ont prononcé leurs premiers mots ? Qui les a encouragés, applaudis peut-être ? Ils sont nés tout armés. Protégés et sûrs d'eux. Je fais tout pour leur ressembler et je ne réussis qu'à les singer. Je suis une pauvre imitation de ce que j'imagine qu'il faut être. Je fais semblant tout le temps. Je deviens blonde, toute blonde. Le visage beige, tout beige. Le sourire éclatant, tout en dents. Et je n'attrape que des bribes de cette vie qu'ils semblent maîtriser avec tant d'aisance. Leur place est réservée, je me tiens debout, en équilibre, en liste d'attente.

 

 

- Parfois, c'est toi qui te flinguais toute seule en t'offrant à n'importe qui.

- On ne sait jamais, je me disais, c'est peut-être le bon... J'avais tellement envie qu'on m'aime et qu'on me regarde.

- Tu étais prête à l'habiller de toutes les qualités, tu le transformais aussitôt en homme parfait et le hissais en haut des sommets. Il ne pouvait que dégringoler ensuite et toi, tu le détestais, tu étais malheureuse d'avoir été flouée. Mais tu t'étais flouée toute seule...

- Je ne tombais pas amoureuse parce qu'il était séduisant, plein de fric ou puissant mais parce qu'il me regardait... S'il me regarde, c'est que je vaux quelque chose. S'il me regarde, je déplacerai des montagnes pour lui...

 

 

Il me traitait avec tant de soin, tant de méticulosité, tant de tendresse, tant de générosité. Je recevais, les yeux écarquillés, ses tranquilles cadeaux qui, tous, me ressemblaient, venaient se poser sur mon cœur, sur mon âme, sur mon corps comme une nouvelle peau. Telle une terre privée d'eau, craquelée, éventrée, je buvais son amour et me reconstituais.

Il me regardait et, sous son regard, je devenais géante.

Nous étions deux géants qui dominions le monde. L'univers était trop petit pour nous. Nous en faisions une mappemonde que nous arpentions en vainqueurs arrogants, intrépides, sautant d'une grotte aux trésors à une autre. Jamais fatigués, jamais lassés, jamais compassés. Ignorants du danger. Invincibles. Inscrits dans l'éternité.

 

texte : Katherine Pancol - J'étais là avant

 

 

 

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5 janvier 2011 3 05 /01 /janvier /2011 09:48

Longtemps, j'ai vécu comme ça : verrouillée, intriguée par ce large fleuve d'amour qui semblait inonder la société mais ne m'irriguait pas, moi. Pourtant, cela semblait formidable, l'amour : on en faisait des films, des livres, des histoires dans les journaux, des baptêmes, des anniversaires, des fêtes de la Saint Valentin, des paquets, des étrennes, des bébés, des drames et des mystères.

Je regardais tout cela, curieuse, mais froide. Je taisais cette infirmité, me traitais de monstre, me forçais à éprouver quelque chose qui ressemblât à du sentiment, à une émotion, m'obligeais à exhumer un souvenir douloureux pour rejoindre le club des pleureurs et des pleureuses, des amoureux et des amoureuses, et quand il m'arrivait de faire tomber une larme bien salée, bien ronde, bien pleine, quand, enfin, j'avais trouvé matière à m'émouvoir, à sangloter et que je lâchais les larmes qui m'étouffaient, je n'en revenais pas : je pleurais sur moi. Seule ma petite personne m'inspirait un chagrin irrésistible et incontinent. Je ne pouvais plus m'arrêter. Une douleur ancienne se mettait en branle sans que je puisse la maîtriser. Alors je me cachais, honteuse, et feignais de compatir à la douleur ou de participer au bonheur des autres. J'appris très vite à faire semblant et personne ne devina l'étendue de mon insensibilité.

 

 

 

L'apparence est la forme qu'empruntent les gens pour que les autres ne les voient pas. Ne devinent pas leur malaise intérieur.

Je me fabriquai donc un personnage gai, volontaire, énergique, coquet, pimpant, pin-pon-pin-pon, toujours prête à donner l'exemple, à me plier aux volontés des uns et des autres afin d'éloigner les éclairs que je sentais sans arrêt sur le point d'éclater entre ces grandes personnes si puériles qu'étaient mes parents et qui n'arrivaient pas à se quitter pour de bon.

 

[...]

Quand papa fut parti, définitivement parti, c'était trop tard pour changer de vie. Chacun y tenait un rôle et j'étais devenue ce petit lutin charmant qui ensorcelait les hommes et menait la danse pour ne pas être scalpée. J'avais enfoui au fond de moi ma rage, mon courroux, mon impuissance à réconcilier mon monde, ma méfiance envers ce beau sentiment qu'on appelait « amour » et qui ressemblait si fort à la guerre.

 

 

Je voulais tout savoir d'elle. La connaître petite fille, la suivre pas à pas dans l'histoire de sa vie. Je n'avais pas besoin de beaucoup la forcer pour qu'elle raconte. Elle avait envie de faire peau neuve, de se délivrer de son passé pour se remettre, toute nouvelle, entre mes mains. Elle possédait, à la fois, une innocence de petite fille et une rouerie de femme qui connaissait la vie. On ne la lui faisait pas ! Elle avait déjà tout connu ! Elle disait ça en soupirant telle une vétérante de l'amour. Et, en même temps, elle me demandait avec émerveillement si ça ne m'ennuyait pas d'entendre tout ça.

Ça ne m'ennuyait pas. Ça m'irritait. Ou m'attendrissait. Je la détestais et j'avais envie de la protéger. Parfois, j'avais envie de lui dire arrête, arrête, tais-toi, mais c'était plus fort que moi, il fallait que je sache tout d'elle, que j'aie toutes les cartes en main.

Je voulais qu'on reparte de zéro, elle et moi. Que notre histoire ne ressemble à aucune autre. [...]

Je voulais qu'elle comprenne que je n'étais pas comme les autres. Qu'elle n'allait pas me prendre et me jeter. J'avais tellement de choses à lui dire, à lui offrir, à lui faire connaître. Je réclamais du temps, une éternité de temps. Je voulais construire des rêves avec elle, des voyages, des aventures, déterrer de vieux mythes et leur rendre vie, la hisser au sommet de mon Olympe et que les Dieux se retournent sur elle. Se retournent sur nous.

J'avais faim d'elle, faim de son corps. Mais je voulais être celui qui décide, celui qui mène le jeu. Elle m'était déjà trop importante pour que je prenne le risque d'être un amant comme les autres.

Je voulais être son dernier amant, l'homme ultime de sa vie.

 

 

 

Je mis du temps à apprendre à vivre avec moi-même. A recoller tous mes petits bouts éparpillés. A vivre en bonne camaraderie avec mon âme. Du temps, de la peine, un vrai travail de limier.

J'appris en observant les autres. Je les espionnais et empruntais les méthodes d'un détective privé. Je collectais et analysais les petits indices qui traînent et en disent long. Les policiers de Scotland Yard n'ont rien à me reprocher. Je suis devenue experte dans les méandres du cœur et reconnais, au premier coup d'œil, l'épouse quasi abandonnée qui ne tient à la vie que par une routine mécanique et une poignée du Prozac, celle qui épuise le mâle de revendications amères ou la rouée qui l'exploite, sournoise et goguenarde. Je sais l'énervement bridé du mari lassé et la réplique qui fuse, épinglant le détail anodin où déverser une colère qui n'ose porter son nom. Je connais les mensonges-ritournelles de l'homme infidèle, sa fausse légèreté d'homme pressé et la couardise de la femme qui ne veut pas voir. La vie des autres est un champ d'observation infini où les détails engrangés vous permettent d'avancer en vous-même comme dans une enquête criminelle. On ne s'ennuie jamais à contempler l'heur ou le malheur d'autrui tant il vous renseigne plus efficacement que n'importe quel docteur de l'âme sur vos propres désordres. Tant il est vrai aussi que ce qui vous saute aux yeux, vous irrite ou vous tord les entrailles est le reflet exact de vos propres manques, défauts ou souffrances que vous vous obstinez à nier, à mettre de côté.

 

texte : Katherine Pancol - J'étais là avant

 

 

 

"Les questions, c’est de ton âge. Quand on ne s’en pose plus, c’est mauvais signe. Certaines personnes n’arrêtent jamais de s’en poser parce qu’il n’y a pas de choix idéal, pas une vérité, mais plusieurs vérités. Tout dépend de quel côté on se place. Il suffit de trouver la sienne." 

 

 

 

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5 janvier 2011 3 05 /01 /janvier /2011 09:13

Je n'arrive pas à aimer les hommes.

Oh ! J'arrive à les séduire, à les circonvenir, à me jeter contre eux, à les caresser, à leur offrir le plus profond de mon corps, mais je ne les aime pas. Je ne leur donne jamais accès à une once de mon intimité. Par intimité, j'entends tout ce qui est moi, secret, verrouillé, interdit. [...]

Les hommes... Je les prends quand l'envie de me fondre dans un autre corps, dans d'autres mots, dans d'autres projets, est trop forte, quand le besoin de deux bras autour de moi est impérieux, qu'il gèle dans mes rêves et mes entrailles. Je m'élance vers eux, m'accroche à leur bras, leur promets mille félicités, mille bonheurs domestiques ou exotiques... pour m'éloigner sans me retourner dès que je suis rassasiée.

Je leur donne tout pour tout reprendre aussitôt. Je m'ouvre les veines pour les convaincre de ma sincérité et n'attends même pas d'avoir cicatrisé pour les rejeter. Je répète à satiété que je n'ai pas besoin d'eux pour vivre et que je suis très bien comme ça. Seule. Sans homme. Ce n'est pas vrai : l'homme est un ennemi dont je ne peux me passer.

 

Ils sont partout, les hommes. Ils prennent toute la place. A la télé, par exemple, vous ne voyez qu'eux. Au journal télévisé, aux séances de l'Assemblée, aux émissions sérieuses. En costume-cravate, ils plastronnent, expliquent et refont un monde qu'ils s'échinent à dévaster, à mettre en coupe pour mieux l'exploiter. Parfois, au milieu d'eux, surgit une femme plantée là comme un géranium. Au balcon. Un alibi fleuri qui dit non, qui dit oui. Qu'ils écoutent à peine. Ou qu'ils s'approprient, la travestissant en homme.

Les femmes, la plupart du temps, servent à vendre des crèmes épilatoires, des parfums, des airbags, des purées en flocons, des lessive en paillettes ou, au mieux, à débiter des informations toutes faites avec de belles lèvres gonflées et un plongeant décolleté. Dressées pour sourire, se prosterner, se répandre comme des pâtes molles sur le sol ou reproduire des petits d'humains identiques aux modèles proposés. On les soulève d'un doigt, on s'en pourlèche les babines, on les soupèse telles des marchandises. On siffle devant leur châssis impeccable et leur pistons bien huilés. Quand elles sont belles et offertes, parce que, sinon, on les repousse du pied, on s'en sert à la va-vite, on les ridiculise, on les traite de boudins, de bonnes grosses, de mal-baisées. Les hommes font claquer leurs lèvres sur les chopes de bière et s'essuient la bouche en rigolant, en les regardant onduler du fessier sous leurs petites robes d'été. Murmurant entre eux, « celle-là, elle est bonne » en allumant leurs yeux d'une lueur salace ou les traitent de salope et de conasse au feu rouge.

Pas tous les hommes, je sais. Certains sont doux et attentifs, patients et généreux.

Mais...

Je n'arrive pas à aimer les hommes.

 

texte : Katherine Pancol - J'étais là avant

 

"Les questions, c’est de ton âge. Quand on ne s’en pose plus, c’est mauvais signe. Certaines personnes n’arrêtent jamais de s’en poser parce qu’il n’y a pas de choix idéal, pas une vérité, mais plusieurs vérités. Tout dépend de quel côté on se place. Il suffit de trouver la sienne." 

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4 janvier 2011 2 04 /01 /janvier /2011 17:00

Voici quelques témoignages d'internautes repérés par l'Hadopi tentent de se justifier dans des lettres envoyées aux magistrats.

Dans les coulisses de l'Hadopi, quelqu'un rit. C'est une magistrate, qui parcourt, une par une, les missives envoyées par les internautes pincés pour avoir «emprunté» un titre de musique ou un film d'un clic de souris. «C'est vrai, j'ai téléchargé l'épisode de cette série», commence un monsieur, dans une longue lettre. On l'imagine mortifié. «J'ai dû le faire. J'avais suivi toute la saison. J'étais mordu. Mais je n'ai pas pu voir cet épisode. Impossible de le récupérer sur le site de la chaîne» , poursuit la magistrate, lisant la lettre du repenti. «Je sais que je n'aurais pas dû. Je m'engage à ne plus recommencer. Mais, s'il vous plaît, laissez-moi télécharger encore le dernier épisode de la série» . «Beau, non ?» , tente la magistrate Mireille Imbert-Quaretta, avant de reprendre : «Le pire, c'est qu'il ne le savait pas mais on l'avait repéré pour le téléchargement illégal… d'un morceau de musique !»

Une dame, elle, a pris la peine de connaître l'objet du délit : une chanson de Yannick Noah. D'une lettre manuscrite, de pleins et déliés à l'encre, toujours selon la magistrate, elle assure alors qu'il y a méprise. «Je déteste ce chanteur. Quand il était sportif, je l'appréciais, mais ses musiques me tapent sur le système», jure l'accusée, «il est impossible que j'aie téléchargé un morceau dudit Noah. Mon mari sait combien je ne l'apprécie pas. Peut-être toutes ces fenêtres publicitaires qui traversent l'écran m'ont-elles troublée. Aurais-je cliqué sans le vouloir ?», s'interroge alors la contrevenante. Avant de reprendre, enflammée : «Ah tiens justement, revoilà une publicité pour Yannick Noah sur mon ordinateur, qui me nargue…»

Plus sobre, mais visiblement naïf, un jeune homme, jure qu'il pensait qu'à 6 heures du matin… les agents de l'Hadopi dormaient ! C'est pourquoi il avait mis son réveil, pour télécharger à l'aube, UN morceau ce jour-là, lorsque le mail de l'Hadopi s'était abattu dans sa messagerie, comme un coup de baguette sur les doigts. Il s'était cru pris sur le fait ! Là encore, les magistrats de la Commission de protection des droits s'amusent : «Notre mail concernait un fait bien antérieur, évidemment. Ils n'arrivent pas en temps réel !»

Il faut d'abord que les ayants droit repèrent la fraude, le téléchargement d'une œuvre qui porte un copyright, sans la payer. L'Hadopi avertie peut exiger alors l'identification auprès du fournisseur d'accès Internet. Qui lui répond dans les huit jours… Alors seulement, un courriel s'envole.

Certains contrevenants jurent que l'adresse Internet mise en cause n'est pas la leur… ignorant que les IP varient chez certains fournisseurs d'accès, en fonction du moment de la journée.

D'autres reconnaissent l'IP… mais tentent de dévier les soupçons ! «C'est bien mon adresse. Mais ce ne peut être moi. En revanche, j'ai bien une petite idée, de qui cela pourrait être…»

S'ensuit parfois nom, prénom adresse du voisin ! Ou encore, plus désolés, certains pointent un doigt vers la chambre des enfants ! « Je vois bien QUI dans ma famille.» «Ces réponses sont encourageantes», veulent croire les magistrats. «On ne change pas les comportements en trois mois. Mais si l'offre légale devient enfin moins chère, la majorité arrêtera probablement de télécharger illégalement. Et nous disparaîtrons d'ici à deux ans.»

 

 

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4 janvier 2011 2 04 /01 /janvier /2011 11:14

 

 

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4 janvier 2011 2 04 /01 /janvier /2011 10:49

Solenn a seize ans. Elle en aura dix-sept le 11 décembre. Un anniversaire en liberté s'ils la relâchent d'ici là. Elle souffre d'anorexie mentale. Mentale, ça va avec le nom de la maladie, mais ça ne me plaît pas. Elle a la tête qu'il faut, à l'intérieur comme à l'extérieur. Elle est très belle, très blonde, très douce, très têtue, très sensible. Cette fille-là, c'est une capteuse d'ions, une éponge à émotions. Elle attrape tout ce qui passe dans l'air, et que personne n'a vu. Je la crois douée pour le bonheur, à condition que le bonheur lui ressemble.

 

Je m'assis, adossé au pilier d'un ponton ; j'écrivis le nom de Solenn sur le sable. A la même heure, on hospitalisait ma fille. A quelques minutes près, la marée allait arriver pour nettoyer tout ça. Ce prénom, ces plaies, cette douleur qui me comprimait la cage thoracique. Solenn, je t'aime, je ne veux pas qu'on t'emprisonne. J'ai fui pour ne pas voir. Pardon.

 

Morgane de toi. Une chanson de Renaud que nous écoutions à la naissance de ta sœur, il y a onze ans.

Morgane et toi. Le plus pur roman d'amour entre deux sœurs séparées pourtant de six ans. Elle tient à toi comme le rémora à sa baleine, comme la bernique à son rocher. Tu l'as adoptée d'emblée, elle t'a aimée petit à petit, jusqu'au désespoir.

 

Plus jeune, tu jouais avec elle aux poupées Barbie, qu'elle remisa peu de temps après toi. Je suis sûr que, pour elle, tu avais repoussé jusqu'à l'extrême limite l'âge de jouer à la poupée.

Quand vint pour toi le temps des sorties, des boums et des flirts, elle fut ta confidente et ton rempart. Toujours fourrée dans ta chambre et souvent dans ton lit, elle t'écoutait, te donnait ses avis de grande fille et ne laissait, à l'extérieur, rien filtrer de vos conversations. Lorsque, incongru, l'un de nous se laissait aller à une critique te concernant, ou à un simple trait d'esprit, elle montait à l'assaut comme une lionne qui défendrait ses petits. Je l'ai entendue rugir, aperçue se mordant les lèvres jusqu'au sang.

Un jour de fin d'hiver, je t'ai vue te détacher d'elle, comme de nous tous. Morgane ne dit rien, souffrit en silence.

Pendant l'été, elle se mura à son tour dans sa solitude. « Ce furent les pires vacances de ma vie », nous dit-elle plus tard. Elle essaya de te réconforter, ne supporta pas de constater que cela ne servait à rien, t'en voulut de ta prison intérieure, te reprocha, sans l'ombre d'une jalousie, d'attirer à ce point l'attention, de devenir le centre d'un cercle de famille trop chahuté.

 

Par-dessus tout, elle avait peur. De cette hospitalisation qui rôdait, que nous évoquions à mots couverts, puis plus franchement. Elle se raisonna, comprit qu'on n'allait pas te livrer menottes aux mains, entre deux gendarmes, devina qu'il n'y avait plus grand-chose d'autre à faire et, comme nous, espéra.

Jamais elle ne nous a parlé du jour de ton retour. Elle y pensait tout le temps.

Ta petite sœur t'attend, elle a grandi à pas de géant. Ses chaussures ne lui vont plus, ses jupes se font jupettes. Et puis, tout là-haut, dans sa tête, tant de cellules ont mûri. Elle mordille un peu moins ses lèvres, son front s'est bombé, son profil durci. Tous ses habits de fillette sont tombés les uns après les autres ; elle a tant d'amour en réserve. Tant d'angoisses à partager à nouveau avec toi : ses camarades, ses profs, ses devoirs, ses exigences de petite fille modèle.

Elle a besoin de toi. Rien que pour elle, reviens. Et redeviens sa meilleure amie.

L'année qui précéda ta naissance, nous eûmes et nous perdîmes une petite fille au nom moyenâgeux, Tiphaine. Je la connus très peu et je ne me le pardonnerai jamais. J'étais à Caracas lors de sa naissance, pour le vol inaugural du Concorde. Et en reportage aux Antilles, le jour de sa mort. [...]

Plus tard, il me fallut affronter le berceau vide, découvrir ce qu'était la mort subite, imaginer l'interruption du souffle dans la chambre, les hurlements de Véronique, le petit corps froid. Injurier le commissaire de police qui me faisait patienter dans un local sordide, haïr à vie le médecin légiste qui ordonna l'autopsie. Griffer l'oreiller de mes ongles dans l'attente d'un sommeil aléatoire. Détester mon absence en ces heures qui verrouillèrent la vie de ce petit être.

Je te raconte tout cela ici parce qu'un an presque jour pour jour après cette mort, tu vins au monde. Le 11 décembre 1975. Et qu'une psychanalyste m'a dit le mois dernier que très souvent, derrière chaque anorexie, il y avait une mort « mal assumée »...

Mal assumée ? Et comment ça s'assume, une mort ? En déposant un petit candélabre dans un coin de sa mémoire ? En s'asseyant sur le bord de la tombe de granit rose de Tiphaine à Trégastel, pour échanger un peu d'amour posthume, pour expier des fautes que je ne me pardonne qu'à moitié ? Ou en organisant un grand débat familial sur le sujet ?

Bien sûr, nous avons mis un mouchoir sur la blessure d'un couple, mais nous ne l'avons cachée à personne. Pas plus à toi qu'aux autres. Sa photo est sur la table de chevet de Véronique.

Tu ne l'as pas remplacée. Tu nous as aidés à revivre. Là-haut, ta sœur aînée a grandi. Je suis sûr qu'elle a envie que tu la rejoignes le plus tard possible et qu'elle te protégera encore longtemps.

 

Mon combat aujourd'hui, c'est celui que je mène contre moi-même pour comprendre le sien, la traversée de ses abîmes, le sens de ce voyage qu'elle accomplit seule, enfermée dans cette maison de verre, dans ce rêve de pureté immaculée que je voudrais tant partager avec elle.

Mon héroïne, ma drogue à moi, c'est Solenn. C'est elle qui m'aidera à vaincre. Et à mon tour, je la ferai gagner.

 

Faire semblant. Semblant de bien aller, de vivre comme les autres, ou comme l'année passée. Même quand on enrage de dire certains soirs qu'on ne pense qu'à sa fille, ou d'avouer enfin la douleur qu'on aurait tant besoin d'exorciser.

On se doit toujours de répondre « Bien » à la question « Comment vas-tu ? ». Répliquer « Pas si bien que ça », c'est déjà un aveu de faiblesse. On est là pour donner, ou pour vendre, du rêve à ceux qui nous regardent. Ils nous veulent sans souci.

Sourire donc. Face à la caméra, avec ses amis, ses collaborateurs. Leur donner du cœur à l'ouvrage. Tous ne vont pas bien non plus. Les drames qu'ils couvent sont parfois plus tragiques, moins égoïstes que cette petite douleur qui me fait du bien quand je la cajole en écrivant ces lignes.

« Comment vas-tu ? - Mal. » Le questionneur poursuit son chemin. Il s'arrête pourtant, interloqué. A-t-il vraiment entendu « Mal » ? Et que dire à quelqu'un qui se permet de tout déranger en répondant « Mal » ? La bouche reste donc entrouverte. Rien de plus ne sera échangé. Mais ça suffit comme ça. Pour une fois, on n'aura pas fait semblant.

 

« Il faut aimer, Solenn, et être aimée, à déraisonner. Il faut brûler de passion, détester l'eau calme qui croupit et écouter Boris Yasinski : 'Ne crains pas tes ennemis : au plus ils pourraient te tuer. Ne crains pas tes amis : au plus ils pourraient te trahir. Crains les indifférents, ils ne tuent ni ne trahissent, mais c'est par leur consentement silencieux que les traîtres et les assassins vivent sur cette terre. »

 

On l'a pesée. Elle a reperdu trois kilos, sous nos yeux, mais sans qu'on en voie rien. Repassée à 34. Dans une semaine, à ce rythme, elle reviendra à la case départ. 31. A nouveau la trouille de la petite boîte en sapin.

J'ai appris ça au bureau. Je ferme la porte. Je hurle.

Ça ne sert à rien. Mais qu'elle mange, la petite donzelle, qu'elle bouffe, qu'elle se bâfre, qu'elle prenne les jambes à son cou pour fuir la zone dangereuse.

Pourquoi n'ai-je rien vu à Vézelay ? Face à moi, elle me donnait tant l'impression du bonheur retrouvé. Je la voyais manger, elle devait picorer.

Pourquoi ces kilos reperdus alors que tout lui souriait ? Je n'ose pas lui téléphoner, pour ne pas la brusquer. De toute façon, elle ne doit pas connaître la réponse. Cette maladie est une saloperie.

 

Solenn s'est suicidée à l'âge de 19 ans en se jetant sous une rame de métro à la station Les Sablons à Neuilly-sur-Seine ; elle a succombé à ses blessures à l'Hôpital Beaujon. Dans une lettre d'adieux à son père, elle avait écrit « Merci pour tout mais je n'aime pas la vie. Je veux être incinérée et gardée dans une petite boîte, mais pas jetée à la mer. »

 

texte : Patrick Poivre d'Arvor - Lettres à l'absente

 

"On n’a pas le droit d’aimer sa fille comme ça."

 

 

 

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4 janvier 2011 2 04 /01 /janvier /2011 10:43

J'aime bien regarder les gens. Surtout les femmes. Même la plus moche, il y a toujours quelque chose. Au moins l'envie d'être jolie. [Anna Gavalda]

 

 
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4 janvier 2011 2 04 /01 /janvier /2011 10:28

Au fond de moi je ne suis pas méchant, j'en veux pas aux autres, je leur fous la paix. C'est jamais moi qui cherche la bagarre, c'est la bagarre qui vient toujours me chercher. En plus, depuis un mois je suis calme, méga-calme. Je suis dans mon coin, je rêve, je pense à Monica. Je pense qu'à elle depuis que je suis amoureux et qu'elle le sait, parce que je l'ai dit à sa meilleure copine qui devait pas le lui dire, mais qui devait quand même s'arranger pour le lui faire savoir ! Monica elle a dix ans, elle a pas encore d'airbags, là où il faut comme sa sœur, mais je sens qu'ils vont pousser très vite. Et puis moi c'est pas ça qui m'intéresse pour l'instant. Ce que j'aime chez elle c'est les yeux quand elle me regarde, comme ça, je me sens plus beau et plus gentil.

C'est drôle, les autres c'est comme s'ils ne supportaient pas que tu sois bien, que tu sois simplement content, joyeux. Ils trouvent ça suspect, ça les inquiète, alors ils te foutent la haine. Il suffit que tu souries, que tu te sentes bien, alors ils te tombent dessus, sans prévenir. On dirait qu'ils sont ennemis du bonheur...

 

 

« Il y a des femmes qui m'emportaient au premier regard, qui m'ouvraient si profond que j'avais le sentiment de naître à chaque fois. Je sais l'impalpable d'un émoi, les frémissements d'un ventre soudain appelé, étonné de se sentir si doux, si voluptueux, torrentiel, autant de signes, autant d'élans offerts à qui sait les recevoir. Quand parfois peuvent naître des gestes insensés, plus fous que les rêves les plus délirants, quand mes mains suscitent et trouvent des chemins, des ruisseaux, des brasiers ou des volcans. Quand le chemin s'ouvre sur une liberté incandescente, rayonnante. Et puis en un éclair l'apaisement immobile ou bruyant, avec cependant l'absolue certitude d'un désir à venir et la mémoire ouverte, vierge, blanche et pure à l'accueil de la vie en suspens. »

 

« Je ne sais comment cela se fait mais elles sont toutes présentes en moi. Elles sont là, lumineuses, scintillantes, comme des étoiles dans ma nuit. J'ignore pour la plupart ce qu'elles sont devenues, mais je garde de chacune le meilleur, le plus flamboyant, le soyeux et surtout le bon, reçu, partagé, amplifié. »

 

 

Il est parti, je crois, rejoindre toutes ces femmes aimées, chacune pour elle-même, chacune unique. Elles furent nombreuses, certes, et certaines même se connaissaient ou du moins se fréquentaient, se croisaient dans la vie, jamais chez lui. Il les rencontrait toujours en des lieux qu'il inventait chaque fois, pour les accueillir dans leur unicité. Elles furent plus que des compagnes, elles furent des ancrages, des balises, des chemins. Et j'imagine qu'avec beaucoup il fit une longue route, car, à sa façon, il fut fidèle à chacune de ses relations multiples. Il fut fidèle à chacune, car aucune ne prenait la place d'une autre, aucune ne remplaçait une précédente, chacune venait partager un parcours de vie. Il aimait les femmes et plus encore il les vénérait, gardait pour chacune un respect unique, premier. Je n'en ai rencontré aucune qui accepta plus tard de me parler de lui. Je ne connais donc pas leur vécu, leur ressenti, je ne peux imaginer que leur sentiment. Chacune a pu garder en elle, au-delà du plaisir partagé, de l'affection, de la tendresse, cette sorte de complicité joyeuse au souvenir de cet homme qui n'avait vécu que pour elles.

 

 

 Quelqu'un qui te fait sentir le bon qu'il y a en toi, c'est un vrai cadeau qu'il te fait, c'est quelqu'un de bien.

 

 

texte : Jacques Salomé - Je croyais qu'il suffisait de t'aimer

 

"L’amour, c’est un peu comme le père Noël, on n’y croit pas, mais on l’espère. C’est l’espoir qu’il y a quand même un peu de bonté en chacun." 

 

 

 

"Je ne savais pas que la vie recelait tant et tant de cadeaux. Jusqu’à trente ans, j’ai vécu à minima, en état de privation, d’ignorance surtout. J’étais un aveugle insensible, un barbare imbécile, un boulimique du recevoir. C’est moi qui voulais recevoir à tout prix et je ne savais pas donner." 

 

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4 janvier 2011 2 04 /01 /janvier /2011 10:09

Ainsi gardait-il le plus souvent ses écrits, nourrissant la relation avec celle qui l'avait mis entre parenthèses, en sursis. S'il comprenait combien il était nécessaire pour elle de se détacher pour se repositionner, d'explorer d'autres relations sans lui, de se faire reconnaître ou découvrir par un autre homme, il gardait comme une certitude qu'elle reviendrait.

Elle n'est jamais revenue. Jusqu'à aujourd'hui, mais qui sait demain ou après-demain... ou l'an prochain. Lui, il sait que l'attente commence avec la fin du jour.

 

 

Dans une existence qu'on voudrait paisible et heureuse, il n'y a rien qui ne complique plus les choses de la vie que les choses de l'amour. Rien, vraiment rien qui ne rend plus difficile le moindre échange, la moindre tentative de partage que l'apparition, la présence ou le soupçon le plus ténu de ce sentiment dans une relation.

 

Moi qui rêvais pour mes rencontres amoureuses de légèreté, d'abandons absolus, de fantaisie, de rires et de grandes plages de silence parsemées seulement de regards et de quelques gestes inventés dans un présent de cristal, je n'ai connu que labyrinthes, chausse-trapes, déceptions, affrontements, rejets... et bien d'autres violences proposées, imposées au nom de l'amour.

 

 

"Ce que l'on reproche avec le plus de véhémence à l'autre, c'est ce qu'on n'a pas su recevoir de lui."

 

 

Ce fut elle qui m'aima la première, longtemps, passionnément, avec dévotion et créativité. Attentive à ma désespérance, soucieuse de me préserver, elle m'ouvrit le cœur. Quand mon amour s'éveilla enfin vers elle, elle me quitta, rassérénée, belle comme une déesse de passage. Je suis alors devenu très prudent, désespérément vigilant et attentif aux dangers de l'amour. Nous ne sommes jamais aussi sincères que lorsque nous sommes dans le rêve, l'anticipation bénie de la réalité. Jamais aussi spontanés, limpides, chatoyants que dans l'imaginaire de la rencontre.

 

  

« C'est vrai qu'en ta présence, depuis des années, je me vis sans cesse en échec. Je suis sans arrêt dans l'insuffisance, dans le dérisoire ou dans l'impuissance face à l'incompréhension de tes attentes. Je sens trop de rancœur en toi, tant de frustrations que j'aimerais effacer d'un seul coup, pour redevenir plus neuf, lavé de toutes mes erreurs, de tous mes manques, pour retrouver un point de départ, pour pouvoir nous envoler à nouveau, ensemble.

« Combien de fois ai-je eu envie de te crier : Arrêtons de nous persécuter avec des mots, faisons l'amour, rapprochons-nous, simplifions la vie, retrouvons-nous... »

 

 

texte : Jacques Salomé - Je croyais qu'il suffisait de t'aimer

 

 

 

"Depuis, mes rires sont devenus précaires, je n’ai plus jamais chanté." 

 

 

 

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4 janvier 2011 2 04 /01 /janvier /2011 09:50
Ce mini-tube de 2001 par une jeune fille de 19 ans. J'aimais bien mais je ne saurais dire pourquoi j'aimais ça. Ce sont des choses qu'on explique pas surtout quand c'est aussi plat...
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