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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 09:57

D'une présidentielle à l'autre, qu'est-ce qui a changé dans notre vie quotidienne ?

Le pessimisme qui grimpe et qui s'impose comme une valeur sûre. Ensemble, les Français broient du noir. Individuellement, ils s'avouent heureux. Surprenant et insaisissable pays...

 

Quelle mouche a donc piqué Jean-Paul Delevoye, 64 ans, élu solide et rassurant du Pas-de-Calais ? Une plongée tourneboulante chez les Français qui grognent, qui morflent. Des années d'immersion au poste de médiateur de la République, sensationnelle vigie pour sonder les tripes d'un pays. Jean-Paul Delevoye en garde une inquiétude chevillée au corps : «Nous sommes en totale insuffisance de discours politique pour rassurer les gens. Apaiser l'angoisse des marchés c'est bien. Apaiser l'angoisse du peuple c'est mieux».

 

«Les droites aujourd'hui, exploitent les peurs tandis que les gauches cultivent les humiliations. La société française est comme fatiguée psychiquement. ». Qui parle ainsi comme on sonne le tocsin ? Un sociologue au bout du rouleau ? Non, un député-maire UMP.

  

À l'autre bout du pays, à Grenoble, Pierre Bréchon, prof à Sciences Po, ne dit pas autre chose. Lui aussi a croisé la déprime la plus noire mêlée au bonheur le plus décapant : « Malgré les catastrophes, nous sommes heureux avec des hauts et des bas. Les Français vivent une sorte de grand écart entre l'optimisme à l'égard de leur petite bulle personnelle et le pessimisme qu'ils éprouvent vis-à-vis de la société ».

 

Par deux fois en un an, un sondage a parachevé le tableau en nous décernant le titre de champions du monde du pessimisme. Oui, pauvres de nous, nous Français voyons la vie en rosse. Notre regard sur les choses de la vie est même plus noir que celui des Irakiens, peuple il est vrai gâté par le sort. Déchirant pays déchiré, comme branché sur le courant alternatif. On est comme ça : on s'enfonce et on s'en sort en même temps. On traîne notre misère en battant des records de prise d'antidépresseurs. Et on se soigne par le rire, à coup de films médicaments comme Bienvenue chez les Ch'tis ou Intouchables. Dans une famille de cinq personnes, il n'est pas rare de compter huit téléphones portables mais la société dans son entier salue l'histoire vraie des moines de Tibhirine, faite de courage et de dépouillement. Drôle de patrie.

 

La France a le moral au fond des chaussettes mais les Français font des enfants comme si l'avenir était dégagé de tout nuage. La seule croissance qui nous reste est démographique. Car, pour le reste, ça décline, ça déclique. « Dans les années 1970, un trentenaire gagne 15% de moins qu'un quinquagénaire. De nos jours, il gagne 40% de moins qu'un quinqua » (enquête BVA/les Inrocks d'octobre). Le logement ? Même chanson. En 1970, on devient propriétaire à 29 ans. Aujourd'hui on l'est à 37 ans.

C'est de France que vient le cri de Stéphane Hessel Indignez-vous. Mais les indignés, on en voit partout, sauf chez nous. Martin Hirsch, ancien disciple de l'Abbé Pierre, s'interroge : « Nos jeunes sont jeunes mais leurs maîtres à penser ont plus de 90 ans ».

 

Nous avons - collectivement - des troubles de l'humeur. Et, personnellement, une aptitude au bonheur que nous envient nos voisins. Le message des Français entre 2007 et 2012 c'est quoi ? Un truc complexe du genre : « Moi, ça va, docteur mais j'ai mal aux autres ». Les autres ? Mes propres enfants précarisés, les gars épuisés qui s'allongent sur les trottoirs, les gens déconfits devant leur usine qui ferme. Nous sommes comme écartelés entre le vivre ensemble et le chacun pour soi. Si ça se trouve, après tout, c'est très français, ça : notre pessimisme serait une forme de lucidité extrême, un peu surjouée et réelle à la fois.

 

Il faut en revenir à Jean-Paul Delevoye, le gaulliste inquiet qui affirme que «la République se révèle une promesse non tenue pour au moins un tiers des Français ». Ça fait du monde. Ça craint.

 

(source : Ouest France)

 

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